Les relations entre le Canada et les États-Unis survivront à l'élection ; notre approche ne le fera peut-être pas
Dans les jours qui suivront l'élection présidentielle américaine de mardi, les conséquences des résultats pour le Canada feront couler beaucoup d'encre.
Selon un récent sondage Léger, les Canadiens préféreraient Kamala Harris à la présidence, dans une proportion de trois contre un. Les économistes s'inquiètent également des effets potentiellement déstabilisants d'une administration Donald Trump, notamment en ce qui concerne l'imprévisibilité des tarifs douaniers et des perturbations commerciales. Mais les deux candidats naviguent dans un paysage politique où le protectionnisme et les politiques de repli sur soi sont devenus monnaie courante.
Pour le Canada, ces tendances sous-jacentes de la politique économique américaine ne changeront pas, quel que soit le vainqueur, et les tensions qu'elles créent ne feront que s'intensifier à l'approche du renouvellement de l'accord États-Unis-Mexique-Canada (USMCA) en 2026.
La politique commerciale des États-Unis est désormais étroitement liée à la sécurité nationale, à la stabilité de la chaîne d'approvisionnement, à la politique climatique, aux droits des travailleurs et à la poursuite de la suprématie technologique. Les intérêts économiques ne sont plus les seuls moteurs de la politique commerciale américaine et, pour le Canada, cette évolution nécessite de repenser en profondeur notre approche des États-Unis.
Pour illustrer cela, il convient d'évoquer la remarque souvent citée de Pierre Trudeau sur le fait de dormir à côté d'un éléphant et d'en ressentir les moindres soubresauts et les moindres grognements. Bien que galvaudée, cette métaphore traduit la réalité persistante des relations entre le Canada et son voisin plus grand et plus puissant - l'asymétrie et la menace permanente, ainsi que l'importance de la sensibilisation, de la diplomatie, de l'accommodement et de l'action stratégique.
Cette vérité semble plus pertinente aujourd'hui que le déterminisme économique qui a guidé les attentes et les politiques du Canada au cours des dernières décennies. C'est la géopolitique qui dicte l'économie, et non l'inverse. L'hypothèse selon laquelle les intérêts économiques finiront par prévaloir est de plus en plus ténue.
Négociation et coopération
Aujourd'hui, l'accès aux marchés n'est qu'une pièce d'un puzzle beaucoup plus vaste.
Je m'appuierai sur les réflexions de l'ancien ministre des finances, Bill Morneau, qui a joué un rôle central dans les négociations de l'USMCA en 2017 et 2018. Dans un récent article publié dans le Globe and Mail, il explique que nos alliés attendent désormais du Canada qu'il soutienne leurs objectifs stratégiques plus larges. Cela nous oblige à nous engager sur des questions qui vont au-delà des tarifs douaniers et des balances commerciales.
Prenons l'exemple de la stratégie d'Équipe Canada. Cette approche a joué un rôle crucial lors des négociations de l'USMCA, en rassemblant un front uni de dirigeants provinciaux, de chefs d'entreprise et de représentants syndicaux. À l'époque, Équipe Canada partait du principe que la politique commerciale était guidée par des intérêts économiques et que le défi consistait à convaincre les Américains qu'une relation commerciale solide avec le Canada était mutuellement bénéfique.
Aujourd'hui, alors que nous nous préparons aux retombées des élections et au renouvellement de l'USMCA en 2026, le manuel de jeu d'Équipe Canada pourrait ne plus suffire. En effet, les hypothèses qui le sous-tendent - à savoir que les intérêts économiques prévaudront et que notre tâche consiste simplement à faire connaître ces avantages - ne sont peut-être plus valables.
Nos alliés et partenaires donnent de plus en plus la priorité aux engagements de défense, à la sécurité technologique et à la résilience énergétique. Il est important de dire aux parties prenantes américaines que nous sommes le premier partenaire commercial de 34 États, mais cela ne suffit pas.
M. Morneau recommande de faire évoluer nos politiques économiques pour les aligner plus étroitement sur les priorités des États-Unis : augmenter les dépenses de défense, soutenir des chaînes d'approvisionnement résilientes - en particulier pour les minéraux essentiels - et mettre en place une stratégie technologique cohérente. Nous devons démontrer notre engagement en tant qu'allié stable et sûr, capable de contribuer aux objectifs géopolitiques et économiques des États-Unis.
Le plus grand marché
En même temps, si les intérêts économiques ne sont peut-être plus la seule considération, ils restent une force puissante qui continuera à façonner la résilience des liens entre le Canada et les États-Unis. Je ne veux pas minimiser cette vérité. Il ne fait aucun doute que les Américains bénéficient grandement de nos liens bilatéraux.
Le Canada est le plus grand marché d'exportation des États-Unis, absorbant près de 20 % de leurs exportations, et il est le premier partenaire commercial de 34 États.
Environ 60 % des importations américaines de pétrole brut proviennent du Canada, qui est également un important fournisseur de gaz naturel et d'électricité.
Nos systèmes financiers, nos secteurs manufacturiers et nos marchés de l'énergie sont profondément intégrés et, ensemble, les producteurs de pétrole canadiens et américains représentent plus de 20 % de la production mondiale de pétrole.
Dans un monde qui semble passer d'une crise à l'autre, il est plus important que jamais de savoir qui sont ses véritables alliés. Le Canada reste un partenaire sûr pour les États-Unis, un allié indéfectible.
C'est pourquoi, quel que soit le résultat des élections de mardi, cette relation perdurera.